23112024

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Actualité des sociétés

Inondations : attention en cas de vente !


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Dans ce contexte où des inondations dramatiques ont ravagé plusieurs communes de nombreux propriétaires vont sans doute vouloir vendre leur bien. Cette affaire qui vient d’être jugée par la cour d’appel de Montpellier est inédite et pourtant cette situation n’a rien de rare. Le sujet : a-t-on le droit de mentir à l’acheteur de sa maison sur des sinistres intervenus par le passé ? (3e chambre civile, 28 septembre 2023, RG 19/02608)

Voilà une SCI qui achète en 2010 une maison à un couple pour 400 000 €. Quatre ans après, à la suite de violentes intempéries, la bâtisse a subi une inondation puis une deuxième une semaine plus tard. La préfecture publie alors un arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Etait-ce la première fois que cela arrive ? se demandent les acheteurs. Ils se renseignent et découvrent que c’est le douzième arrêté de catastrophe naturelle depuis 1982 concernant cette commune. Les associés de la SCI, qui n’avaient eu aucune information sur de précédentes inondations, font assigner le couple en annulation de la vente et restitution des débours (400 000 € + les frais d'agence de 20 000 euros + les droits et frais acquittés auprès du notaire à raison de 36 850 euros). Le tribunal rejette la demande. En appel la société réitère sa requête en la majorant de plusieurs dédommagements. La question est simple : les vendeurs avaient-ils le droit de dissimuler les précédents sinistres subis par la maison ? Etait-ce aux acheteurs d’aller se renseigner en mairie ?

Un mensonge des vendeurs

Il ressort du dossier que « l'information délivrée par les vendeurs lors de la vente selon laquelle ils n'avaient eu à déplorer aucun sinistre liée à une catastrophe naturelle, était erronée dès lors que lesdits vendeurs figurent sur la liste des sinistrés … et que l'inondation qu'ils ont subie avait provoqué de lourds dégâts matériels ». La sentence des juges d’appel tombe : « L'information donnée à l'acquéreur par les vendeurs lors de la vente apparaît dès lors clairement comme mensongère ». Cependant est-ce une raison pour annuler la vente ? L'article L.125-5-V du code de l'environnement le prévoit. Pourtant un état des risques naturels et technologiques a bien été annexé à l'acte notarié de vente et l'acquéreur a reconnu dans l'acte avoir été informé de cet état des risques, déclarant « vouloir en faire son affaire personnelle ». Il était aussi stipulé que l'acquéreur renonçait à poursuivre la résolution du contrat ou à demander au juge une diminution du prix.

Un état des risques inexact aussi !

Voilà un document bien mal fait qui passe sous silence dans cet état des risques que 12 inondations se sont produites sur la commune depuis 20 ans ! Ce document mentionne que « le bien ne se situe pas dans une zone inondable » ! Les vendeurs se croient donc autorisés d’y ajouter un mensonge explicite en déclarant dans l’acte de vente l’absence de sinistres par le passé. Là il y a un problème car l'article L.125-5-IV prévoit que « lorsqu'un immeuble bâti a subi un sinistre ayant donné lieu au versement d'une indemnité…, le vendeur ou le bailleur de l'immeuble est tenu d'informer par écrit l'acquéreur ou le locataire de tout sinistre survenu pendant la période où il a été propriétaire de l'immeuble... En cas de vente de l'immeuble, cette information est mentionnée dans l'acte authentique constatant la réalisation de la vente ». Comment sortir de cette contradiction entre une renonciation à tout recours prévue à l’acte et le droit à un recours pour déclaration mensongère sur une indemnité d’assurance ? Selon les juges d’appel « il apparaît ainsi que l'acquéreur a renoncé à une action en résolution de la vente ou en diminution du prix uniquement dans le cadre [de l'article L 125-5-I du code de l'environnement] et non en ce qui concerne la déclaration des vendeurs quant aux sinistres antérieurs ». Ainsi, l'acquéreur peut demander la résolution si le vendeur a faussement déclaré que le bien vendu n'avait pas subi de sinistre lié à une catastrophe naturelle.

Et le notaire ?

Reste la responsabilité du notaire qui réside dans cette commune ! Comment a-t-il pu laisser passer ce mensonge ?
Ce notaire rétorque qu’il n’a pas été sollicité au stade de la promesse, c’est l’agence immobilière qui s’en est occupée. La décision des juges d’appel exempte cet officier ministériel de tout reproche car « si le notaire est débiteur d'une obligation de vérification, cette obligation ne va pas jusqu'à remettre en doute les éléments techniques figurant sur un diagnostic. Or, en l'espèce, l'état des risques laissait apparaître que le bien ne se situait pas en zone inondable. Le risque d'inondation n'étant pas le même sur une même commune, puisque cartographié en zones, la connaissance de la commune par [Me x] est sans incidence ».
Une décision contestable à notre avis. Le notaire ne pouvait ignorer que l’information des acheteurs était tronquée et le consentement vicié ! De par son statut d'officier ministériel, il est tenu d'un devoir de conseil et, suivant une formule consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation, il « est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur la portée, les effets, et les risques des actes auxquels il prête son concours » (Civ. 3e, 9 sept. 2020, n° 19-14.361). Un acte efficace est, pour les tribunaux, un acte qui correspond exactement à la volonté des contractants (Civ. 1ère, 17 févr. 1981, n° 79-16.417).

Conséquence : l’annulation de la vente

« La résolution de la vente implique, déclarent les magistrats de la cour d’appel de Montpellier, de replacer la SCI dans l'état dans lequel elle se serait trouvée si la vente n'avait pas eu lieu ». Dès lors les demandes au titre du prix de vente, des frais d'agence et de notaire apparaissent justifiées. Ce qui n'est pas le cas de la demande au titre de la perte locative, puisque si la vente n'avait pas eu lieu, la SCI n'aurait pu louer le bien. Il en est de même des intérêts sollicités sur la somme ayant servi à financer l'acquisition, dès lors qu'aucun élément du dossier ne laisse apparaître que les fonds auraient été placés et non investis dans une autre opération.
Les vendeurs ont été condamnés à payer à la SCI 456 850 €.

JDE