16102024

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Fiscalité

Contrôle fiscal : une nouvelle façon de procéder !

Capture décran 564

Le procédé est inhabituel, les destinataires peuvent croire à une tentative d’arnaque. Mais non ! L’administration fiscale a le droit d’envoyer une notification de redressement par email ! C’est ce que vient de décider la cour administrative d’appel de Paris*.

A la suite d'un contrôle sur pièces d’un couple sur les trois années 2013, 2014 et 2015, l'administration fiscale les a assujettis, au titre de chacune de ces années, à des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en raison de la remise en cause de leurs réductions d'impôt pour un investissement immobilier locatif de type « Scellier ».

Ces conjoints ont contesté, en vain, déclarant qu’ils n'ont « pas reçu la proposition de rectification préalablement à la mise en recouvrement des impositions supplémentaires contestées ». Ils ont échoué à nouveau devant le tribunal administratif. Ils ont interjeté appel.

Dans cette affaire l’administration avait envoyé la proposition de rectification non pas par courrier postal comme habituellement mais par le biais de l’adresse mail personnelle déclarée par les deux époux. L’administration présentait au tribunal la capture d'écran du rapport généré par sa plateforme « Escale » (échanges de fichiers sécurisés). Le tribunal administratif estimait valable cette preuve de la réception par les requérants de la proposition de rectification.

Escale à Bercy !

Cette façon de procéder est-elle légale alors que l’article R. 103-1 du livre des procédures fiscales prévoit que « les correspondances de toute nature échangées entre les agents de l'administration des impôts ou entre les agents de l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas ou adressées par eux aux contribuables, doivent être transmises sous enveloppe fermée » (de même au BOI-CF-IOR-10-30).

La cour d’appel administrative comme en première instance (TA Melun 17 mai 2018 n° 1604700, RJF 12/18 n° 1248) déclare que « en l'absence de dispositions le lui imposant, il n'est pas fait obligation à l'administration de recourir exclusivement à l'envoi d'une proposition de rectification par lettre recommandée avec accusé de réception. Toutefois, si elle utilise d'autres voies, elle doit justifier de la notification de la proposition de rectification par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes ».

En l'espèce, la proposition de rectification a été adressée au mari « par voie dématérialisée, par le biais d'un lien vers l'application dénommée « Escale » (échanges de fichiers sécurisés), cela par la voie d'un email envoyé à l'adresse électronique que les contribuables avaient communiquée à l'administration fiscale ». La cour d’appel estime que l'administration fiscale apporte la preuve par une capture d'écran du rapport, généré par cette application, que le destinataire de l’email a bien téléchargé le fichier pdf mis à sa disposition. Ce qui fait courir le délai de réponse imposé au contribuable.

Des garanties équivalentes

La cour d’appel précise bien que « ce rapport présente des garanties équivalentes à celles d'un envoi par lettre recommandée avec accusé de réception, en ce qui concerne tant la date de la notification de la proposition de rectification et de la connaissance qu'en avait le contribuable, que la confidentialité de la transmission de ce document ».

Les magistrats soulignent aussi que la proposition de rectification adressée mentionne bien les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal, les années d'imposition concernées, ce qui permet aux contribuables de présenter utilement leurs observations.
Donc, cette façon de procéder est régulière, sous réserve que le contribuable ne conteste pas la réception du message électronique. Mais ici la preuve était faite de la réception et du téléchargement.


Cette décision n’est pas tout à fait nouvelle. Le Conseil d’Etat l’a déjà énoncé dans les mêmes termes (CE, 8 février 2012, M et Mme Beladina, n° 336125) mais concernant le recours à la société Chronopost pour délivrer la notification ; ici, dans cette affaire, c’est la première fois que la justice administrative statue sur l’utilisation de la plateforme sécurisée de l’administration fiscale avec envoi d’un email.

*CAA de PARIS, 5ème chambre, 28/06/2024, 22PA05281

 

JDE