27112024

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La Cour des comptes propose d’orienter la fiscalité du logement vers la détention plutôt que les transactions


vente immobilière - acquisition - taxe foncièreLe Conseil des prélèvements obligatoires, dans un rapport rendu public le 18 décembre, veut diminuer les droits de mutation à titre onéreux et relever la taxe foncière.

 

 

 

 

Les préconisations de la Cour des comptes en matière de fiscalité immobilière sont-elles de nature à fluidifier le marché immobilier ou à relancer l’emballement des prix, actuellement freinés par des taux de crédit élevés ?

Le rapport publié le 18 décembre « Pour une fiscalité du logement plus cohérente » du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), un organisme d’évaluation rattaché à la juridiction, a en tout cas une position originale sur le sujet.

« Effet de verrouillage »

Parmi les 12 propositions destinées à faire « gagner en cohérence » la fiscalité du logement grâce à « un meilleur équilibre entre les dispositifs d’incitation » et « une logique plus large de neutralité », l’une d’elles concerne la diminution des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ces taxes des transactions immobilières.

La France est au quatrième rang des pays où les impôts sur les transactions immobilières sont les plus élevés, représentant 0,9 % du PIB. Les membres du CPO estiment que leurs effets sur la mobilité résidentielle sont « globalement négatifs » : les études empiriques citées par le rapport qui propose une comparaison internationale décrivent un « effet de verrouillage » dans les pays étudiés, la hausse des droits de transaction entraînant une baisse du nombre de ventes.

Si le CPO reconnaît qu’aucune corrélation entre ce type de taxe et la mobilité professionnelle n’a été établie, elle observe toutefois des effets sur l’accession à la propriété. Aux Pays-Bas notamment, la baisse des DMTO décidée en 2011 de 6 à 2 % a entraîné une augmentation du taux d’accession de 1 à 5 %.

Les primo-accédants de moins de 25 ans en sont par ailleurs exonérés, mais le CPO ne préconise pas de transposer cette mesure en France pour autant : celle-ci nécessiterait de prendre en compte le caractère hérité ou non de l’apport, au risque d’être « incohérente avec le principe de taxer davantage la rente que l’effort ».

L’autre tentation qui serait d’exonérer les acquisitions pour raison de mobilité professionnelle est également écartée en raison du principe d’égalité devant l’impôt.
De même, le CPO déconseille de mettre en place des DMTO progressifs en fonction du prix des biens, craignant que la baisse des droits ne soit captée par les prix, à l’instar de ce qui a pu être observé pour la taxe d’habitation.

Plutôt que des ajustements sur les DMTO, le CPO opte pour une proposition plus radicale, mais déjà mise en avant en 2018 : leur réduction drastique.

Fluidifier le marché

Lors d’une conférence de presse, Pierre Moscovici, président du CPO, a prévenu que le rapport « n’est pas un rapport de conjoncture, ne vise pas à proposer un remède aux difficultés de court terme mais à rendre le logement plus résilient à l’avenir ». Pour le conseil, cette mesure rendra le « marché plus fluide en facilitant les ajustements de prix, à la hausse comme à la baisse. »

Le manque à gagner pour les finances publiques serait compensé par un relèvement des impôts sur la détention de biens immobiliers. Une bascule serait donc opérée progressivement des droits de mutation vers la taxe foncière.

Pour les départements, en partie biberonnés aux DMTO et qui souffrent de la diminution des transactions, ce serait un moyen d’avoir des recettes plus stables dans le temps, déconnectées des cycles immobiliers.

Le système cible du CPO ferait baisser la fiscalité liée à l’acquisition de 37,7 Md€ à 20,9 Md€ et rehausserait celle liée à la détention de 33,6 Md€ à 46,1 Md€.

La taxe foncière, un impôt régressif

Le Conseil est cependant conscient que la taxe foncière est déjà hautement impopulaire, en témoignent les levées de boucliers dans les villes où ont été décidées les plus importantes hausses ces dernières années.

Pire, si la taxe foncière est un impôt progressif pour l’ensemble des Français puisque « la propriété immobilière est concentrée chez les ménages les plus aisés », c’est un impôt régressif si l’on s’en tient à la seule catégorie des assujettis, selon une étude de l’Insee.

Cela est dû au fait que les logements les plus chers appartiennent aux ménages avec les patrimoines immobiliers les plus élevés, dont les biens bénéficient d’une assiette de la taxe faible au regard de leur valeur de marché et sont situés dans des collectivités qui votent des taux faibles. La région parisienne est citée par l’étude comme jouant un « rôle crucial » dans la régressivité d’ensemble de la taxe foncière.

Les disparités sur l’assiette de la fiscalité foncière ont pour principale origine les valeurs locatives cadastrales (VLC), « largement déconnectées de la valeur locative de marché », pointe le CPO. En effet, leur définition date de 1970 et n’a pas été réellement mise à jour depuis, conduisant à des augmentations de taxes dans des territoires pourtant en perte d’attractivité.

Si la réforme des VLC des locaux professionnels a déjà eu lieu, celle des locaux d’habitation est toujours en attente et a même été repoussée à 2028. Dans des observations définitives publiées plus tôt cette année sur les taxes foncières, la Cour des comptes reprochait à ce report de fragiliser « les fondements des taxes foncières » et de nuire « à l’équité de traitement entre contribuables ».

Pour le CPO, cette réforme doit nécessairement précéder l’augmentation de la fiscalité de détention en lien avec une baisse des droits de mutation, pour rétablir l’équité devant la taxe foncière. Au risque de fragiliser, une fois n’est pas coutume, le consentement à l’impôt.