30112024

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Fiscalité

Délation fiscale : le lanceur d'alerte de l’affaire UBS va toucher une toute petite « prime » !

Dans l’affaire de fraude fiscale concernant UBS France, l’ancienne cadre de la banque suisse qui a communiqué les fichiers demandait 3,5 M€ de dédommagement. Considérée comme « collaborateur occasionnel de service public », le tribunal administratif de Paris ne lui accorde rien, ou presque.

En 2007, un scandale éclate aux Etats-Unis, un collaborateur de la banque suisse UBS révèle des pratiques d’évasion fiscale au détriment du fisc américain. En France, en poste chez UBS France à Paris, Stéphanie Gibaud, lance l’alerte à son tour. En charge de développer sur le territoire français des partenariats avec des enseignes prestigieuses et d'organiser des événements pour séduire de grandes fortunes elle se voyait intimer l’ordre par sa hiérarchie de détruire ses fichiers.

Ainsi « au cours de l’année 2008, ses relations avec sa supérieure hiérarchique se sont fortement dégradées à la suite notamment, selon ses dires, de son refus de détruire des fichiers susceptibles d’impliquer la société dans une affaire d’évasion fiscale ». En janvier 2012, elle se fait licencier « pour motif économique », la procédure ayant commencé dès 2009.

A lire le jugement, son rôle semble donc avoir été décisif dans la révélation des pratiques d'évasion fiscale et de blanchiment de fraude fiscale de la banque suisse UBS AG. Ses informations communiquées au Service national de douane judiciaire ont largement contribué à identifier pour le compte du ministère du Budget en France 38 000 comptes offshore représentent une dizaine de milliards d’euros. Selon le jugement, « comme le ministre (Gérald Darmanin) l’a admis, les renseignements recueillis et exploités par le SNDJ avec le concours de Madame Gibaud, ont permis aux enquêteurs de comprendre le fonctionnement des relations entre les entités françaises et suisses de la société ».

À la suite de l’enquête, la société UBS France a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris pour complicité de démarchage bancaire illégal et complicité de blanchiment de fraude fiscale. Au procès, début novembre, le parquet a requis une amende de 3,7 Md€ ! Stéphanie Gibaud a demandé au directeur général des douanes un dédommagement pour cette collaboration pendant un an et pour son préjudice (elle a perdu son emploi). Elle réclamait 3,5 M€. Soit 1 pour 1 000 par rapport à l’amende. Demande très modérée et pourtant rejetée.

Dans son jugement, le tribunal administratif de Paris vient de décider que « quand bien même la contribution de Madame Gibaud à l’enquête menée par le SNDJ n’[a] pas été à l’origine de la révélation des infractions de fraude fiscale » (ce n’est pas elle qui a dévoilé le scandale) son rôle clé justifie une indemnité. En effet, elle a « apporté son concours au SNDJ en prenant part personnellement à la mission de service public assurée par ce service, [donc elle] doit être regardée comme ayant eu la qualité de collaborateur occasionnel du service public ».

Le tribunal estime la perte d’emploi deux ans antérieure à sa collaboration avec les Douanes et donc refuse d’indemniser sa perte de revenus. Les juges refusent de faire le lien entre le licenciement et le refus de détruire des fichiers !Le tribunal n’indemnise que le préjudice moral du fait de la « situation de stress causée par sa collaboration au service public ». Il accorde… 3 000 €. Les juges appliquent pratiquement le tarif prévu de 3 100 € pour les aviseurs douaniers – sauf avis contraire du directeur général des douanes qui peut prévoir plus - par l’arrêté du 18 avril 1957 (actualisé par arrêté du 21 novembre 2007). On est bien loin des primes accordées aux Etats-Unis pour les informateurs fiscaux… 

(
TA Paris, 15 nov. 2018, n° 1707702)https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2018/11/ta_paris_15_novembre_2018_1707702.pdf 

(Cass. civ. 1e, n° 1055 du 14 novembre 2018, 16-23.730)

Jean-Denis Errard