Fiscalité
Une loi de finances votée en 2025 pourra-t-elle rétroagir sur 2024 ?
- Jeudi 19 décembre 2024 - 13:00
- | Par Jean-Denis Errard
Une loi spéciale vient d’être adoptée pour délivrer, à défaut de loi de finances pour 2024, « une autorisation de percevoir les impôts… existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année » (art. 47, Constitution et article 45 de la loi organique relative aux lois de finances). Donc, les impôts 2025 seront perçus à l’identique de ceux de 2024.
Toutes les mesures du projet de loi de finances sont mises au rebut, conformément à l’avis du Conseil d’Etat du 10 décembre 2024. Ce qui signifie que l’article 3 du PLF 2024 instaurant une imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus (plus de 250 000 € ou 500 000 pour un couple) est supprimé (2 Md€ en moins pour eux) et que la revalorisation selon l’inflation du barème, pour que l’impôt sur les revenus demeure identique en euros constants, disparaît. Bonne nouvelle pour les uns, moins pour les autres (le taux de prélèvement à la source restera cependant identique jusqu’en août 2025 dans l’attente d’une loi de finances).
Certaines dispositions, comme par exemple l’abattement de 500.000 € applicable sur la plus-value de cession de titres du dirigeant de société partant à la retraite, vont disparaître le 1er janvier 2025. De même pour l’immobilier avec le dispositif Pinel.
Une loi de finances est habituellement rétroactive, mais seulement pour l’année en cours, nous découvrons fin décembre les règles applicables dès janvier de la même année. La règle du jeu est connue en fin de partie ! Mais peut-elle être rétroactive sur l’année précédente ? Le code civil ne le permet pas (art.2). Sauf en matière fiscale, a décidé le Conseil constitutionnel car « aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce qu'une disposition fiscale ait un caractère rétroactif » (CC 29 décembre 1984, n° 84-194 DC).
Le Conseil constitutionnel a toutefois mesuré l’exception : « le législateur peut, pour des raisons d'intérêt général, modifier rétroactivement les règles régissant l'activité de l'administration fiscale » (CC 29 décembre 1988, n° 88-250 DC, §5).
La décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998 restreint encore l’exception s’agissant d’une mesure qui modifiait « l'assiette d'un impôt déjà versé par les sociétés » ! Le Conseil constitutionnel censure en constatant que cette remise en cause votée par les parlementaires pour l’année écoulée n’est pas un motif « suffisant ».
Ainsi, il est possible qu’une loi de finances soit rétroactive sur l’année écoulée si elle est favorable aux contribuables, donc elle pourrait revaloriser le barème de l’impôt et permettre d’ajuster en euros constants les taux de prélèvement à la source.
Mais elle ne peut pas être rétroactive sur des mesures défavorables qui ne sont pas motivées par un impératif. Par exemple, si le parlement remet à l’ordre du jour une surtaxe des plus hauts revenus ou instaure un ISF, il ne paraît pas possible de l’appliquer dès 2024. A cet égard, une décision importante du Conseil constitutionnel n’admet pas une explication d’ordre budgétaire : « la volonté du législateur d'assurer en 2013 des recettes supplémentaires liées à la réforme des modalités d'imposition des revenus de capitaux mobiliers ne constitue pas un motif d'intérêt général suffisant pour mettre en cause rétroactivement une imposition à laquelle le législateur avait attribué un caractère libératoire et qui était déjà acquittée » (CC, 29 décembre 2012, n° 2012-662 DC). Les mauvaises nouvelles, ce ne pourra être que pour 2025.
JDE