17112024

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Crise du logement : les (autres) remèdes du gouvernement


remède médicamentDeux propositions de loi soutenues par l’exécutif ont été examinées dans un relatif consensus par le Parlement. L’une vise à faciliter la transformation de bureaux en logements et l’autre, surnommée « loi anti-Airbnb », à rééquilibrer le parc locatif en s’attaquant aux meublés de tourisme.

 

 

 

  

Le projet de loi Logement porté par Guillaume Kasbarian, sous les feux des critiques car considéré par beaucoup d’acteurs comme insuffisant et stigmatisant inutilement les locataires HLM, a tendance à éclipser le reste de l’action du gouvernement pour faire face à la crise du logement.

Il a pourtant engagé une procédure accélérée sur deux propositions de loi qui viennent de terminer leur première navette au Parlement et attendent désormais de passer par une commission mixte paritaire avant d’être définitivement adoptées.

Reconquérir les meublés touristiques

Le premier texte, de son petit surnom « loi anti-Airbnb », cible les avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée de tourisme. Il donne par ailleurs davantage de pouvoirs aux élus pour réguler ces locaux sur leur territoire. Selon les dernières estimations disponibles, ils composeraient pour 800 000 des 38 millions de logements présents dans l’Hexagone.

De quoi faire dire à ses défenseurs que si les propriétaires de meublés touristiques font un coupable idéal, le gouvernement se trompe de combat. L’Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) regrette « que certaines mesures soient inadaptées et mal ciblées, créant un cadre plus punitif que constructif pour lutter efficacement contre la crise du logement qui touche notre pays, et affectant de manière disproportionnée propriétaires et bafouant le droit de propriété ».

Le ministère du Logement, se faisant le relais d’élus, rétorque que le problème se pose sur plusieurs territoires. « Dans certains secteurs, jusqu’à un tiers ou la moitié des locations de longue durée ont été remplacées par des locations de courte durée pour une clientèle touristique », fait valoir Guillaume Kasbarian dans un communiqué.

« En Vendée, des offres d’emplois ne trouvent pas durablement preneur car les postes sont pourvus mais les personnes repartent après avoir passé six mois dans un camping-car car l’offre de logement est catastrophique, relate Pierre Evrard, directeur associé de Synergiec et ancien membre de la Fnaim. Hors saison, certaines zones touristiques sont mortes et il est pourtant impossible de trouver une location longue durée. »

Calendrier imposé

La proposition de loi transpartisane, largement votée par les deux chambres, s’articule autour de trois grands axes. Les deux premiers visent à rétablir une équité avec la location classique, en soumettant les meublés de tourisme au diagnostic de performance énergétique (DPE) et en rabotant ses avantages fiscaux.

Si la loi est votée, ils seront soumis au calendrier d’interdiction des passoires thermiques de la loi Climat et résilience. Le Sénat a cependant assoupli le calendrier initialement prévu par l’Assemblée nationale en imposant une étiquette comprise entre les classes A et E jusqu’à fin 2033 et entre A et D à partir du 1er janvier 2034, soit un sursis de cinq ans. Tout maire pourra demander à un propriétaire-bailleur un DPE en cours de validité sous peine d’une astreinte journalière de 100 euros.

« On a assisté à une migration de biens vers la filière touristique pour échapper au calendrier imposé par la loi Climat et résilience, fait remarquer Pierre Evrard. Il fallait s’attaquer à ce système de contournement de la réglementation, qui pose d’autant plus problème dans les copropriétés où ces bailleurs peuvent bloquer les travaux puisqu’ils ne sont pas concernés. »

Changement de fiscalité

Côté fiscalité, l’abattement de 71 % réservé aux meublés classés a tout bonnement été supprimé, mais le Sénat en a introduit un autre de 50 % si le montant des loyers perçus ne dépasse pas 77 700 euros annuels.

Le taux d’abattement du régime micro-BIC applicable aux meublés touristique classés serait lui réduit à 30 %, contre 50 % aujourd’hui. Les meublés de tourisme non classés y seraient éligibles dans la limite de 23 000 euros de recettes, un plafond aligné sur celui du statut de loueur en meublé non professionnel (LMNP) afin de conserver la clarté du dispositif.

Changement de destination

Le dernier axe central du texte dote les communes d’outils pour réguler le parc de meublés touristiques, notamment la faculté de soumettre plus facilement à autorisation la transformation d’un local en meublé de tourisme, la définition d’un quota sur les nouvelles autorisations ou d’une servitude de résidence principale sur les constructions neuves dans les communes soumises à une tension sur le logement.

Les copropriétés seront par ailleurs obligatoirement informées en cas de changement d’usage vers une destination touristique, préalable obligatoire à la location de type « Airbnb ».

Les bureaux, un gisement de logements

La proposition de loi visant à faciliter la transformation de bureaux en logement cherche quant à elle à assouplir les changements de destination des bâtiments concernés, du tertiaire vers l’habitation.

« La transformation de bureaux en logements représente un gisement de production de logements important, notamment dans les zones les plus tendues », a justifié le ministère du Logement dans un communiqué.

Les nouvelles habitudes prises depuis la crise sanitaire liées au développement du télétravail et du flex-office réduisent en effet drastiquement la demande de bureau. Selon les chiffres du gouvernement, 5 millions de m² seraient vacants en Ile-de-France, soit « 8,8 % du parc à la fin du 1er trimestre 2024, plus que le record historique de 1997 », précise Raphaël-Elie Lorin, directeur immobilier et co-fondateur d’Archides. « Même sur Paris intramuros, le taux d’inoccupation augmente de 21 % sur un an », poursuit-il. Une vacance structurelle qui risque d’augmenter progressivement au fil des années.

La proposition de loi portée par le député Modem Romain Daubie assouplit les conditions de délivrance des permis de construire en prévoyant la possibilité de déroger aux règles du plan local d’urbanisme (PLU) avec l’accord des élus locaux. Le gain de temps estimé devrait être de 6 à 12 mois.

Dans les copropriétés, la majorité de vote nécessaire au changement de destination serait abaissé, « même si cela concerne un nombre d’immeubles minimes dans les faits car les cas de blocage sont excessivement rares », relativise Raphaël-Elie Lorin. Par ailleurs, le texte facilite le montage de projets pour les Crous qui veulent s’établir dans d’anciens bureaux afin d’augmenter l’offre de logement pour les étudiants.

Permis de construire à destinations multiples

Surtout, il prévoit la délivrance de permis de construire « à destination successives » afin que la réversibilité des bureaux en logement soit une option dès leur construction.

Le Sénat a renommé la proposition de loi pour élargir son champ d’application à la transformation de tous les types de bâtiments ayant une destination autre que l’habitation (locaux hôteliers, garages, bâtiments agricoles désaffectés…). Il a également borné dans le temps les permis de construire à destinations multiples à 20 ans maximums.

« Cette proposition de loi ne suffira pas pour trouver les 500 000 logements manquants, tranche Elie Lorin. Il faudrait pouvoir jouer sur la division parcellaire et la hauteur des constructions dans les « villes du quart d’heure », où tous les services essentiels sont à moins d’un quart d’heure à pied ou en vélo. Cela permettrait d’avoir une densité d’habitation pour rendre les services publics opérationnels et les commerces rentables. »