Actualité des sociétés
Le « rug pull », une fraude montante
- Jeudi 22 août 2024 - 16:10
- | Par Jonathan Blondelet
Tracfin a dans son dernier rapport d’activité dressé un panorama des infractions les plus observées en 2023. L’une d’elles se base sur les cryptoactifs. Explications.
Dans son rapport d’activité pour 2023, Tracfin rapporte les grandes tendances de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme qu’elle a pu observer, que celles-ci soient récurrentes ou émergentes.
Le service placé sous la tutelle du ministère de l’Economie et des Finances et spécialisé dans la lutte contre ces pratiques (LCB-FT) s’attarde sur le « rug pull scam », de sa traduction française « tirage de tapis », répandu dans l’univers de la finance décentralisée (DeFi).
Projet « révolutionnaire »
Dans ce schéma, les arnaqueurs communiquent sur un projet qui va « révolutionner » l’investissement en cryptoactifs, centré sur la création d’un token listé sur une plateforme décentralisée.
Son smart contract prévoit que pour chaque achat, 40 % du montant investi sont prélevés pour les frais de fonctionnement du projet, et 5 % supplémentaires pour les frais de transaction, de liquidité ou de retrait.
L’investisseur doit donc miser sur une hausse théorique du cours pour compenser sa perte au moment de l’investissement : pour 1 000 € investis, la valeur de ses tokens ne sera que de 550 €.
Le contrat intelligent associe également le nouveau jeton à une cryptomonnaie connue, contre laquelle les promoteurs du projet peuvent échanger tous les tokens en leur possession une fois un certain seuil de liquidité atteint.
Appel aux influenceurs
Le groupe d’aigrefins « communique sur ce projet par l’intermédiaire d’un site Internet et d’une messagerie cryptée », précise Tracfin. « Il fait également appel à des influenceurs spécialisés dans la finance pour partager le projet sur les réseaux sociaux, mettant en avant le caractère révolutionnaire de l’actif numérique, et promettant un gain automatique et rapide », ajoute la cellule de renseignement.
La suite est mécanique : les investisseurs affluent, le seuil de liquidité prévu par le smart contrat est atteint, et les escrocs exécutent alors la fonction d’échange de leur token contre une cryptomonnaie connue.
Les tokens objets de la fraude perdent alors toute valeur et ne peuvent plus être échangés puisqu’aucune contrepartie ne leur est associée.
Source : Tracfin
Signaux d’alerte
Les professionnels les plus concernés par ce type de fraude – suivant leur capacité à la détecter – sont les banques, les prestataires de services sur actifs numériques (Psan) et les experts comptables.
Les signaux d’alerte sont les suivants :
- Promotion d’un projet lié à des cryptoactifs sur Internet, les réseaux sociaux, les messageries en ligne
- Secteurs d’activité en lien avec la technologie blockchain ou les jetons non-fongibles (NFT) (non-fungible tokens ou jetons non fongibles)
- Implication de cryptoactifs répertoriés dans la liste noire de l’AMF
Chute de l’activité illicite sur les cryptos
Il faut préciser que si le rug pull est une pratique plus observée par Tracfin, cela ne veut pas dire que les arnaques aux cryptoactifs explosent. Ce serait même plutôt l’inverse, selon le « Crypto Crime Report » de Chainalysis pour l’année 2023. Les arnaque aux cryptos, spécifiquement, diminuent de 29,2 %.
L’analyste constate une baisse globale du taux de fraude de 0,34 % des transactions « on chain » - 24,2 Md$, soit un recul par rapport à 2022 (0,42 %). Seul bémol, Chainalysis peut tracer les cryptos volées ou les adresses considérées comme malhonnêtes, mais pas celles utilisées pour blanchir de l’argent.