Gestion d’actifs
Combiner croissance et qualité
- Mardi 1 octobre 2024 - 11:15
- | Par Thierry Bisaga
Interview de Samir Ramdane, Responsable de l’équipe Gestion OPC Actions Européennes
et Antoine Peyronnet, Gérant OPC Actions Européennes, Gérant du fond Covéa Perspectives Entreprises, chez Covéa Finance
Quelles sont les principales spécificités du fonds Covéa Perspectives Entreprises ?
Eligible au PEA, le fonds Covéa Perspectives Entreprises est investi dans des petites et moyennes valeurs de qualité et de croissance, en France et en zone euro. Il s’inscrit dans le cadre des grands enjeux identifiés dans nos Perspectives Économiques et Financières, colonne vertébrale de notre gestion, notamment la remise en question du multilatéralisme en faveur de la régionalisation et la reconstitution des chaînes d’approvisionnement au niveau local.
Quel regard portez-vous sur votre univers d’investissement ?
Les petites et moyennes valeurs sont une classe d’actifs à part entière qui présente certaines particularités. Aussi, notre démarche consiste à étudier en détail à la fois les aspects financiers et extra-financiers de sociétés souvent peu suivies par le marché. Investir dans les petites et moyennes valeurs offre également l’opportunité d’établir un dialogue régulier et fructueux avec leurs dirigeants. Nous effectuons ainsi de nombreux déplacements pour aller à leur rencontre et visiter les sites des entreprises.
Dans le cadre de la construction de votre portefeuille, comment appréhendez-vous les risques spécifiques aux petites valeurs ?
Au sein du portefeuille, nous veillons à diversifier nos expositions et donc les risques. Nous évitons, par exemple, de détenir plusieurs valeurs exposées à des risques similaires. Nous sommes également attentifs à la moindre liquidité des valeurs de notre univers d’investissement. Les niveaux de pondération des titres dépendent également de nos convictions sur la qualité des sociétés. Parmi les plus fortes pondérations, nous privilégions les sociétés dont l’activité bénéficie de barrières à l’entrée, ce qui leur confère la capacité de fixer leurs prix.
Et concernant les risques spécifiques aux sociétés ?
Nous accordons une vigilance particulière à deux critères spécifiques : la structure financière des sociétés et leur gouvernance, c’est-à-dire la composition du conseil d’administration, la rémunération des dirigeants ou encore l’expérience du management. Pour toute nouvelle valeur, nous établissons une matrice de risque dont l’objectif est d’évaluer la solidité de l’entreprise au regard de ces deux critères.
Comment définissez-vous les grandes lignes de l’allocation d’actifs ?
La structure de notre portefeuille est étroitement liée à nos Perspectives Economiques et Financières qui établissent trois fois par an des scénarii macro-économiques par zone géographique. Ce cadre d’investissement nous permet de sélectionner les sociétés qui répondent aux principales thématiques qui structurent le portefeuille. Au sein de Covéa Perspectives Entreprises, nous privilégions les sociétés majoritairement détenues par un actionnariat familial. Celles-ci ont prouvé sur la durée qu’elles disposent d’une bonne capacité d’adaptation. Nous apprécions la vision de long terme des dirigeants et leur prise de risque mesurée, qui résultent de leur investissement personnel dans la société.
Quelles sont les deux autres thématiques ?
La deuxième thématique d’investissement du portefeuille concerne les sociétés qui sont leaders sur leurs marchés respectifs. Ce sont, la plupart du temps, des valeurs moyennes et donc des entreprises qui sont généralement plus matures que celles de la première thématique. Ce leadership repose, par exemple, sur leur capacité à fixer les prix et donc à préserver leurs marges face à une hausse pérenne du coût des intrants. Il repose également sur la consistance de la croissance des profits, des flux de trésorerie et de la maîtrise du bilan, quel que soit le contexte opérationnel. Enfin, les sociétés avec un positionnement unique constituent la troisième thématique d’investissement. Nous l’avons choisie afin de nous positionner sur un attrait fondamental du segment des petites et moyennes valeurs : le fait qu’il donne accès à des secteurs et des niches de croissance peu ou pas représentés au sein des grandes valeurs. Nous investissons ainsi dans des sociétés innovantes qui proposent une solution ciblée permettant à leurs clients de gagner en productivité et de s’adapter, par exemple en automatisant leurs chaînes de production ou en offrant des solutions face aux contraintes de ressources.
Quel a été, ces dernières années, l’impact des politiques monétaires sur la classe d’actifs ?
Entre 2008 et 2019, les petites valeurs ont enregistré une surperformance par rapport aux grandes valeurs. Elles ont été aidées par des politiques monétaires accommodantes. Celles-ci favorisent le financement de leur croissance, un facteur non négligeable pour ces entreprises qui sont encore à un stade précoce de leur développement. Depuis fin 2019, les investisseurs ont préféré se tourner vers les grandes valeurs. Le mouvement de sous-performance qui s’est alors initié a été accentué à partir du printemps 2022 par le début du resserrement monétaire opéré par les différentes banques centrales. Il en a naturellement résulté un durcissement des conditions de financement et une augmentation des charges d’intérêt. Dans la mesure où les petites et moyennes valeurs ont davantage recours au financement bancaire qu’au financement obligataire, elles ont donc été plus durement impactées. Cela explique que, depuis deux ans, les petites et moyennes capitalisations sont délaissées par les investisseurs.
Quelle est aujourd’hui votre vision sur la classe d’actifs ?
Le contexte géopolitique actuel tend à remettre en cause la dynamique de mondialisation que nous avons connue au cours des dernières décennies. Cela implique un retour à des économies davantage régionalisées. Jusqu’à présent, les multinationales ont bénéficié de l’optimisation des chaînes de production, d’un accès aisé aux matières premières et à une main-d’œuvre abondante et peu onéreuse. Désormais, la relocalisation d’une partie de la production est à l’ordre du jour. Dès lors, il nous semble pertinent de nous intéresser à des entreprises plus locales, dont le développement est axé sur celui des économies domestiques. Or, on observe que le chiffre d’affaires des petites et moyennes sociétés est davantage local, concentré sur l’Europe. Celles-ci représentent, en moyenne, pas moins de 60 % du chiffre d’affaires des valeurs de l’indice CAC Mid and Small. A titre de comparaison, le ratio est de 35 % pour les grandes valeurs qui composent l’indice MSCI EMU. D’une manière générale, nous estimons qu’il faut être pragmatique sur cette classe d’actifs. Il est possible de trouver des valeurs performantes sans oublier que, compte tenu des faibles valorisations, les OPA sont désormais nombreuses.
TB