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Assurance emprunteur : bilan mitigé de la loi Lemoine
- Lundi 15 janvier 2024 - 18:15
- | Par Jonathan Blondelet
Le Comité consultatif du secteur financier a passé en revue les effets de la réforme, comme le prévoyait la loi. Si les assureurs alternatifs ont su tirer les marrons du feu, la résiliation à tout moment ne bénéficie qu’à certains profils d’emprunteurs et le marché de la délégation échappe aux courtiers en crédit.
Comme annoncé par Gestion de fortune, Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) vient de remettre au parlement un rapport sur l’assurance emprunteur. Celui-ci était prévu par la loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur du 28 février 2022 dite loi Lemoine.
Cette revue intervient trois ans après un premier bilan publié en novembre 2020 qui dessinait un marché largement dominé par les bancassureurs, très réticents à partager le gâteau avec les assureurs alternatifs. Les processus de délégation (au moment de la souscription du crédit) et de substitution (à posteriori) étaient décrits comme complexes et difficiles à mettre en œuvre.
Progression de la part de marché des alternatifs
Un sondage réalisé auprès des acteurs du marché alternatifs fait état d’une « nette amélioration de la situation », alors qu’eux-mêmes ont « industrialisé et centralisé » leurs processus et se sont adaptés aux exigences des réseaux bancaires.
Si la réforme n’a eu que peu d’effet sur la délégation à l’octroi - les emprunteurs voulant garantir leur accès au crédit en souscrivant l’assurance de la banque -, les demandes de substitution bondissent de 80 % entre 2021 et le premier semestre 2023 et 9 dossiers sur 10 sont acceptés. Pendant cette période, le nombre de contrats alternatifs externes a augmenté de 215 000, pour une part de marché en légère progression (de 15,3 à 16,1 %). « Sur les 5 premiers mois de 2023, elle a augmenté de près de 4 %, ce qui représente près de la moitié de la production annuelle de contrats alternatifs de l’exercice 2021 », note le CCSF.
Les motifs principaux de refus tiennent aujourd’hui aux dossiers incomplets du côté des réseaux bancaires et à un déficit d’informations lié au crédit pour les intermédiaires en assurance. Un gros bémol tient au non-respect du délai de 11 jours imposé par la loi pour traiter les demandes de substitution. Il n’est respecté que pour un dossier sur cinq, avec pour conséquence un différé de mise en œuvre de la résiliation, voire une double facturation.
Evincement des courtiers crédits
Autre problème, la part des délégations accordés aux courtiers en crédit dans les délégations externes est en chute libre. Si la part des contrats de courtage est très variable d’un réseau bancaire à l’autre, elle est en forte baisse sur la moitié d’entre eux. Au global, elle passe de 36 % en 2019, à 19 % en 2020 pour s’affaisser à 12 % en 2023.
Une situation que le CCSF attribue à la passe difficile que traverse la profession, « souffrant notamment de la forte baisse du marché du crédit et du durcissement dans l’application des critères d’octroi ». Il faut rappeler que le comité est une instance de Place qui fonctionne au consensus. Certaines associations de courtiers n’hésitent pas à parler d’un évincement du marché par les banques, qui peinent toujours à reconnaître le mandat malgré son caractère obligatoire.
Aucune statistique n’existe pour les substitutions d’assurance puisque les courtiers crédit n’interviennent qu’à l’octroi du prêt. L’abandon de la sélection médicale pour les prêts inférieurs à 200 000 euros et remboursés avant 60 ans les concernent par ailleurs moins que le reste des acteurs (14 contre 23 %), puisqu’ils ciblent prioritairement des profils citadins pour des montants de prêts plus élevés.
Loi CSP +
Le développement de la résiliation infra-annuelle (RIA) a par ailleurs profité principalement aux profils les plus aisés, qui représentent 58 % des substitutions et 69 % des délégations pour 27 % des crédits. « Le profil de l'assuré qui bénéficie de la RIA n'a pas bougé, faisait savoir Corinne Dromer, présidente du CCSF dans nos colonnes. C'est un CSP+ qui a entre 30 et 40 ans, et une quotité de prêt assurable souvent supérieure à 200 000 euros, donc avec un questionnaire de santé. »
Les contrats sans sélection médicale ne représentent en effet que 31 % des substitutions. Ceci s’explique en raison du montant de l’emprunt, mais aussi parce que l’allongement de la durée des crédits porte de plus en plus le terme du crédit au-delà de 60 ans.
En réponse à cette problématique, les assureurs alternatifs font part de leur volonté « travailler à un élargissement de leur clientèle par un aménagement de leurs grilles tarifaires et par une communication accrue sur ce dispositif », indique le rapport.
Sur une note plus positive, l’antisélection liée à la fin du questionnaire de santé n’a pas eu l’effet inflationniste escompté par les acteurs. Une hausse préventive de 10 % a bien eu lieu, mais les tarifs décroissent depuis, sur les contrats avec comme sans sélection médicale.