23112024

Retour

Actualité des sociétés

Le gouvernement thaïlandais fait du « quantitative easing » à destination des plus précaires


argent thaïlande portefeuilleL’Etat distribue à 45 millions de citoyens 260 € par le biais d’une application de portefeuille numérique et sous condition de revenus, afin de relancer la consommation.

 

 

 

  

La Thaïlande a décidé de verser une aide à ses ménages pauvres dans le cadre d’un vaste programme de relance de la consommation. Repéré par nos confrères de Novethic, l’opération est d’ampleur : 45 millions de thaïlandais aux revenus ou patrimoine les plus faibles peuvent télécharger depuis le 1er août et jusqu’à mi-septembre sur une application de portefeuille numérique 10 000 « e-bath » - environ 260 € - soit la moitié du salaire mensuel moyen.

Versement conditionné

Si les e-bath sont une monnaie numérique émise par la banque centrale thaïlandais, le programme de 11 M€ est financé sur les deniers publics et l’utilisation du portefeuille soumis à conditions. Il ne pourra être utilisé que pour six mois à partir du dernier trimestre 2024 et ne permettra pas d’acheter certains types de biens (dont l’essence, le gaz, l’alcool, le tabac, les appareils électroniques…) ni de faire ses emplettes dans les grandes surfaces.

Le gouvernement thaïlandais veut en effet axer son opération sur l’économie locale ainsi que les petits commerçants, et éviter que les subventions distribuées ne soient épargnées plutôt que consommées.

« Monnaie hélicoptère »

Le programme est comparable aux politiques de « quantitative easing », une politique monétaire par laquelle une banque centrale rachète de la dette publique ou privée pour stimuler la croissance. Largement utilisé lors des périodes de crise, pendant les « subprimes » en 2008 ou lors de la pandémie de Covid-19, les dispositifs de « monnaie hélicoptère » sont parfois critiqués pour le risque inflationniste qu’ils portent en germe et parce qu’ils peuvent déposséder les Etats de leur politique monétaire.

En 2020, la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe avait rendu une décision considérant que la politique monétaire expansionniste de la Banque centrale européenne (BCE), qui avait procédé au rachat de 2 000 Md€ d’actifs depuis 2015, dérogeait aux traités européens et à sa mission d’assurer la stabilité des prix en zone euro.

Un autre rapport à la monnaie ?

Dans le cas de la Thaïlande, c’est la Banque centrale qui a rabroué le gouvernement, arguant que le poids de l’opération était trop lourd pour les finances publiques au regard d’une consommation suffisamment dynamique.
« Une monnaie hélicoptère écologique serait plus pertinente, a fait valoir l’économiste et fondateur de Nemo IMS Jean-Christophe Duval sur Linkedin. Elle conditionnerait l'accès à la monnaie par des contreparties socialement et écologiquement utiles. »

Pour d’autres, ce type d’expérience, qui a déjà eu lieu aux Etats-Unis afin de relancer la croissance après la pandémie, est le précurseur du revenu universel, tout du moins d’un autre rapport à la monnaie. « Si ce type d’expérience se multiplie, cela installera la monnaie sans dette et permettra ensuite de l’affecter à des objectifs précis et définis collectivement », avance sur Linkedin Jézabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences à Paris 1 et conseillère scientifique à l’institut Veblen.