21122024

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Actualité des sociétés

Miser sur la thématique de la décennie

 
Miser sur la thématique

Interview Louis de Montalembert, Gérant et fondateur - Pléiade AM

 

Vous avez créé Pléiade Asset Management en 2008. Quelles sont vos spécificités ?
En 2008, lorsque j’ai fondé Pléiade AM, j’avais réalisé l’intégralité de ma carrière dans le private equity. L’idée était donc d’appliquer les préceptes de la discipline, de rigueur et de perspective de long terme, à l’investissement coté. En fait, on s’intéresse aux entreprises plus qu’à la Bourse, qui n’est qu’un outil d’investissement. Nous y avons ajouté un souci constant d’innovation, ce qui nous a notamment conduits à investir dans l’IA dès 2018. Nous y avons construit la conviction que la « cloudification » de l’économie serait l’une de mutations majeures de la décennie. Forts de notre expertise unique, nous avons donc lancé, en 2021, le fonds PAM Cloud Revolution, investi en actions internationales, dans les acteurs, principalement logiciels, de la « cloudification » de l’économie.

De quoi s’agit-il ?
Le cloud désigne le modèle de fourniture de services informatiques via Internet. Démocratisé grâce à l’ouverture des data centers il y a un peu plus de dix ans, il consiste à remplacer les serveurs et logiciels locaux par des ressources informatiques accessibles à distance. Nous estimons que l’actuelle « cloudification » de l’économie repose sur une configuration rare et particulièrement porteuse. Elle constitue, selon nous, la nouvelle révolution digitale qui succède à la précédente, principalement portée par les GAFAM.

Quels sont ses principaux atouts ?
Le cloud présente divers avantages notables pour les entreprises avec notamment une évolutivité améliorée, une grande flexibilité, de moindres coûts, une gestion simplifiée, une plus grande disponibilité des données, ainsi qu’une sécurité renforcée. Il s’agit d’une thématique qui présente une hypercroissance durable. Les deux tiers environ des entreprises de notre univers d’investissement affichent une croissance annuelle de leur chiffre d’affaires supérieure à 20 %, contre 16 % pour les entreprises du Nasdaq et 7 % pour celles du S&P 500. Cette dynamique s’appuie à la fois sur la création de nouveaux marchés et sur la conquête de parts de marchés au détriment d’acteurs qui ne sont pas, ou trop faiblement, engagés dans la voie de la digitalisation.

Cette dynamique va-t-elle durer ?
À l’image des GAFAM qui, pour les plus anciennes, affichent une croissance annuelle dynamique depuis plus de 20 ans, les nouveaux acteurs du cloud devraient, selon nous, connaître une croissance durablement forte. Ils appuient leur croissance sur le modèle du SaaS (software as a service) qui est aujourd’hui porté par le développement de nombreuses infrastructures mises en place par les géants de la tech. Ce modèle d’abonnement, qui ne représentait que 10 % du marché des logiciels en 2010, devrait en représenter 100 % en 2032. Pour nous, il s’agit de la thématique de la décennie tant l’ampleur du phénomène est important. In fine, il concernera tous les secteurs d’activité de la cote. A l’heure actuelle, des pans entiers de l’économie, ainsi qu’une grande partie des pays sont encore à un stade peu avancé du passage au cloud. On s’attend donc à ce qu’en moyenne, le cloud représente 17 % des investissements du domaine IT jusqu’à 2030. Il s’agit donc d’une thématique lisible. Elle est au cœur d’une mutation largement immunisée des cycles économiques, dans la mesure où elle est centrale dans la perspective de nouveaux gains de productivité des entreprises. Transverse et multisectorielle, elle bénéficie de l’accélérateur exceptionnel que constitue l’IA générative.

Que recouvre votre univers d’investissement ?
Nous quantifions aujourd’hui l’univers d’investissement à 250 entreprises dans le monde, encore très majoritairement cotées aux états-Unis. Il existe aussi plusieurs dizaines d’acteurs non cotés, susceptibles d’entrer en Bourse lorsque les marchés le permettront. Nous attendons, en France, Dataiku, Brevo, Contentsquare ou encore Doctolib ! Cet univers d’investissement recouvre plusieurs typologies d’acteurs. Le cloud est d’abord constitué de l’infrastructure elle-même, principalement opérée par les grands acteurs du numérique (AWS, Azure, Google…). Mais notre intérêt est plutôt dirigé vers la superstructure du cloud, c’est-à-dire les solutions, qu’elles soient de plateformes (comme Twilio pour la communication de masse, ou Adyen pour le paiement, ou encore MongoDB pour les bases de données), ou des logiciels applicatifs tels que Salesforce, Hubspot et Braze. On peut aussi « découper » la thématique en plusieurs segments : la « migration cloud » d’abord, qui regroupe les acteur logiciels natifs du cloud qui remplacent les acteurs historiques sur des applications d’entreprises connues. Le cloud permet surtout de digitaliser des pans de l’économie, créant ainsi de nouveaux usages, comme, par exemple la signature digitale de contrats. Puisqu’il est décentralisé et structuré, il permet également de générer des quantités exponentielles de données, qui constituent le nouveau gisement de productivité des entreprises. De nouvelles plateformes de gestion et d’analyse des données émergent donc comme Snowflake, Cloudflare ou Amplitude. Enfin, le cloud est une nouvelle architecture du numérique qui conduit à l’émergence de nouveaux acteurs de la cybersécurité (Crowdstrike, SentinelOne, Okta…), toujours plus cruciale.

Quelles sont les spécificités de toutes ces entreprises ?
Les valeurs de notre univers d’investissement ont la particularité de présenter des besoins en fonds de roulement négatifs. En effet, par opposition à l’achat de licences, le SaaS est un modèle de consommation par abonnement mensuel ou annuel. Toute nouvelle conquête de client se traduit par de la croissance. Par ailleurs, le taux de rétention des clients d’une année sur l’autre est souvent supérieur à 100 % : les anciens clients n’hésitent pas à payer pour les nouvelles fonctionnalités développées. Ce mécanisme, appelé « effet de cohorte », implique également que chaque point de croissance dégagé correspond à un accroissement de la trésorerie disponible. Toutes les valeurs du portefeuille – un peu plus d’une trentaine – ont par conséquent une trésorerie confortable, ce qui permet d’augmenter de quelques points leur marge bénéficiaire dans le contexte actuel de hausse des taux.

Vous évoquiez plus haut l’intelligence artificielle générative. Quel sera son impact sur votre univers d’investissement ?
Le cloud est au premier plan de la diffusion de l’IA générative. Cette dernière va envahir le quotidien des entreprises et des particuliers, or ce déploiement historique sera essentiellement basé sur les technologies et modèles qui appartiennent à notre thématique. Il touchera toutes les fonctions de l’entreprise : le management, le marketing, le support client ou encore les ventes.

Thierry Bisaga