Gestion d’actifs
Quand l'inflation remonte, ne misez pas tout sur la banque
- Mardi 19 juillet 2022 - 15:00
- | Par Olivier Mariscal - BDL Capital Management
Quand les taux et l'inflation remontent, faut-il acquérir des valeurs bancaires ? Rien n'est moins sûr selon Olivier Mariscal, directeur des relations investisseurs chez BDL Capital Management qui nous livre une Tribune sur le sujet.
Quand les taux et l’inflation remontent, il faut acheter les valeurs bancaires ! On lit si souvent cette idée qu’on peut véritablement parler de lieu commun. Certes, le passage des taux directeurs en territoire négatif a constitué pour les banques européennes une situation inédite et pénalisante. Depuis juin 2014, tout l’argent qu’elles laissent en dépôt auprès de la Banque centrale européenne est en quelque sorte taxé, puisque rémunéré d’une façon négative. Une normalisation des taux, c’est-à-dire des taux positifs et une courbe des taux « pentifiée » (des taux long terme supérieurs aux taux court terme), va offrir aux banques un terrain de jeu plus favorable au métier de « transformation » des banques : utiliser les dépôts à court terme de leurs clients pour prêter à long terme.
Il faut donc acheter des banques ? Tout n’est pas si simple. Car ce ne sont pas seulement les taux qui sont en train de remonter. Le régime d’inflation est aussi durablement plus élevé que dans la phase pré-covid. L’idée que la remontée de l’inflation n’était que transitoire est en train de s’évanouir. Le département de recherche économique de Barclays table désormais pour la zone euro sur un rythme d’inflation de 8% au quatrième trimestre 2022 (soit un niveau quatre fois plus important que celui anticipé en début d’année). Pour les banques, il est essentiel de savoir si l’inflation qui revient sera accompagnée d’une croissance restant vigoureuse ou, au contraire, d’une économie plus atone (on parle alors de stagflation), sans parler d’une véritable récession.
Or, la prévision de croissance de la zone pour 2022 est passée, entre le début de l’année et aujourd’hui, de 4,4% à 2,8%. Si la stagflation menace, ce n’est pas une bonne nouvelle pour le secteur bancaire, boursièrement parlant. Selon nos prévisions, un environnement stagflationniste pourrait se traduire par une perte de revenus de 7% pour le secteur bancaire européen en 2023 par comparaison aux prévisions actuelles. Cela semble minime, mais avec des coûts d’exploitation qui, eux, ne baisseraient pas et des provisions qui pourraient être de 25% supérieures aux attentes, cela se traduirait par une baisse des résultats de l’ordre de 24%. Ce serait évidemment pire en cas de récession.
Sur les cinq phases de récession depuis le début des années 1990, le secteur bancaire a en moyenne connu un recul des profits de 46% et une baisse de valorisation de 40% par rapport au pic d’avant récession. D’ailleurs, depuis début mars, les analystes ont commencé à revoir à la baisse leurs prévisions de bénéfices 2022 pour le secteur bancaire. Autrement dit, si la valorisation des banques reste raisonnable, elle est moins attrayante qu’il y a un an. Plus qu’un pari sur la hausse des taux, les banques sont un pari sur le cycle économique. Si celui-ci est durablement affaibli par la résurgence de l’inflation et les incertitudes géopolitiques, le secteur n’aura rien d’une panacée pour les investisseurs.
Parmi les valeurs financières, on peut leur préférer les assurances, secteur en apparence un peu plus cher actuellement. Ici, les prévisions de bénéfices ont résisté à la dégradation des perspectives macroéconomiques et cela peut s’expliquer par Quand l’inflation remonte, ne misez pas tout sur la banque plusieurs facteurs. La demande en assurance s’avère résistante, soutenue par le fait que bon nombre d’assurances contractées par les clients du secteur sont obligatoires, qu’il s’agisse d’assurances automobiles, pour le logement ou professionnelles. Avec la montée de la problématique climatique s’y ajoute un renforcement de la demande en réassurance. Quant à la part des actifs des assureurs investie dans les actifs de crédit risqués, elle est très faible (environ 4% seulement), ce qui offre une relative protection au secteur en cas de crise du crédit. En résumé, le secteur des assurances apparait bien plus défensif que les banques, tout en ayant une valorisation très raisonnable.
Olivier Mariscal Directeur des relations investisseurs chez BDL Capital Management