26122024

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Gestion d’actifs

Pour Invesco, les obligations aussi peuvent être « responsables »

Bernard Aybran, directeur de la multi-gestion au sein de l’équipe Investment Solutions d’Invesco, analyse les marchés des actions et des obligations responsables au cours du 2e trimestre 2020.

Un dédale

Si le deuxième trimestre 2020 a été l’un des meilleurs des 20 dernières années sur de nombreux marchés actions, leur progression a pourtant coïncidé avec la matérialisation d’importants dégâts économiques. Pendant ce temps-là, le marché des obligations « responsables » a continué à se développer. C’est ce que souligne dans sa Lettre de juillet Bernard Aybran, directeur de la multi-gestion au sein du pôle Investment Solutions d’Invesco. Le professionnel analyse le comportement du marché des actions, avant d’évoquer ses choix en matière d’allocation d’actifs.

Le rebond des actions observé durant le deuxième quart de l’exercice ne s’est pas produit sans raison. « Il a coïncidé, explique Bernard Aybran, avec une stabilisation des révisions bénéficiaires. Si les sociétés attendent toujours de fortes chutes de bénéfices en 2020, celles-ci ne sont plus revues à la baisse et des rebonds significatifs sont largement attendus en 2021 sur la plupart des grands marchés. La mesure de valorisation la plus habituelle consiste à comparer le niveau des indices avec les bénéfices des sociétés. La volatilité actuelle rend la comparaison particulièrement délicate. Volatilité ou pas, le développement des approches dites ‘extra-financières’ se poursuit et s’étend désormais aux marchés obligataires. Mais l’univers des obligations responsables ressemble encore à un dédale. »

A la fin d’un des semestres les plus volatils « de mémoire d’investisseur », les marchés d’actions sont pour la plupart revenus aux alentours de leurs niveaux de début d’année. Les 100 sociétés non financières les plus importantes aux Etats-Unis, les grandes gagnantes de la période post-2008, ont eu des performances nettement positives (en général à deux chiffres). « Difficile à croire au vu du contexte ! lance le spécialiste en multi-gestion. Regarder les valorisations sur les bénéfices de l’année en cours pourrait ne pas être un bon indicateur de la profitabilité structurelle des entreprises. Pour mieux analyser le phénomène, il convient d’utiliser les multiples de valorisation sur les bénéfices attendus lors de la prochaine année fiscale. Pour 2021, le consensus des analystes prévoit un retour à des niveaux de profitabilité au moins équivalents à ceux de 2019. »

Une divergence

Sur cette base, le S&P 500 se négocie à près de 19 fois les profits. En dehors de la bulle Internet des années 2000, ces chiffres n’ont jamais été vus ! Le problème des valorisations ne se cantonne pas aux Etats-Unis. En Europe, les multiples sont les plus élevés depuis au moins 2005. Le constat est un peu moins sévère pour les marchés émergents et le Japon, mais les niveaux y restent historiquement élevés.

Autre inquiétude, selon le stratégiste d’Invesco : la « polarisation extrême » du marché, signe d’une « fièvre spéculative avancée pour les titres les plus populaires ». Le quintile des sociétés les plus chères du S&P 500 est valorisé à 29 fois les résultats, alors que le quintile « le moins onéreux » se traite à 10 fois les profits. « En 35 ans de données disponibles, commente-t-il, seul le pic de 2000 a donné lieu à une telle divergence. Dans un scénario idéal, ces valorisations pourraient faire sens. Mais l’extrême incertitude qui entoure la situation, alors que nous entrons dans la deuxième partie de l’année, laisse à penser que des mouvements extrêmes de volatilité sont à attendre. »

S’il s’est d’abord développé sur les marchés d’actions, l’investissement responsable connaît désormais une croissance « significative » du côté obligataire. Cette croissance ne va pas sans une « certaine complexité ». La définition des catégories permet d’y voir un peu plus clair. L’investissement responsable occupe le devant de la scène financière et se développe à un rythme soutenu. Moins représentées dans l’univers des fonds que les actions, les émissions obligataires responsables commencent à se développer.

L’Association internationale des marchés de capitaux (International Capital Market Association, ou ICMA) définit quatre catégories d’obligations responsables. Les green bonds financent des projets d’amélioration de l’impact sur l’environnement, comme la réduction de la pollution, les énergies renouvelables ou l’efficience énergétique. Les social bonds financent des projets sociaux, comme l’accès aux infrastructures, aux services de santé, à l’éducation ou à la nourriture saine. Les sustainability bonds financent des objectifs environnementaux et sociaux. Ils cumulent les spécificités des deux précédentes catégories. Enfin, les sustainability-linked bonds, qui ont fait leur apparition l’an dernier, présentent un ou plusieurs objectifs ESG au sens plus large.

Une tendance

« L’ensemble de ces émissions, ajoute Bernard Aybran, ont une caractéristique commune : une présentation claire et détaillée de leur projet de financement et de leurs objectifs responsables, avec des indicateurs de mesure de l’objectif et un calendrier précis. Ces émissions ont connu un important développement après l’Accord de Paris de 2015 et représentent à présent plus de 1 400 Md$ dans le monde. »

Les green bonds correspondent aux deux tiers des encours. Les principaux émetteurs sont les Etats-Unis (35 % du marché), la France et les Pays-Bas. 17 % des encours proviennent d’émetteurs émergents, aux premiers rangs desquels la Chine, l’Inde, le Mexique et la Chili. En termes de typologie d’émetteurs, le marché est dominé par les entreprises privées non financières, à hauteur de 46 %, tandis que les émissions souveraines concernent seulement 5 % du total. Les plans de soutien post-Covid pourraient favoriser la croissance de ces marchés.

En juin 2020, les stratégies multi-gérant d’Invesco ont enregistré peu de changements. Dans la partie actions, un positionnement « relativement défensif » a été maintenu. Pour l’instant, la tendance haussière paraît forte et les promesses d’une nouvelle rallonge fiscale aux Etats-Unis pourraient encore porter les marchés à court terme. La résurgence de l’épidémie outre-Atlantique pourrait toutefois être « rapidement problématique ».

Dans la partie obligataire, un positionnement assez marqué est conservé sur les obligations gouvernementales des économies occidentales, qui semblent pourtant n’offrir aucun potentiel « directionnel », dans un sens comme dans l’autre. Dans la partie « devise », une exposition « significative » au dollar américain, synonyme de « refuge » en cas de retour de la volatilité, est toujours de rigueur.

Comme les marchés financiers opèrent « par définition » en univers incertain, les événements qui en affectent le mouvement ne peuvent pas être prévus. L’année 2020 confirme cette caractéristique « structurelle ». La perplexité sur l’évolution de la pandémie demeure. Elle fait peser un doute « durable » sur l’évolution des économies et de leur croissance. Incertitude sur la croissance économique qui vient elle-même amplifier le flou sur les bénéfices et la solvabilité des entreprises cotées. Une telle situation pousserait bien des investisseurs à la prudence. Au deuxième trimestre 2020, les marchés se sont néanmoins comportés comme s’ils avaient retrouvé de la visibilité. Cela durera-t-il trois mois de plus ? A suivre…

ML