02012025

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Fiscalité

SCI : attention à la requalification fiscale !

investissement immobilier SCPI

Voilà un monsieur qui se croyait malin en constituant une SCI familiale pour dissimuler une activité de marchand de biens. Deux arrêts de cour d’appel viennent de rappeler le risque pris de requalification fiscale.

Ce monsieur réalise en septembre 2002 une première opération d’achat d’un immeuble avec revente en trois appartements, en octobre 2003 et janvier 2004. Une deuxième en mars 2003 avec droit de construire cédé en janvier 2012.

Une troisième en novembre 2003, avec un achat en viager d’une maison revendue en avril 2007. Une quatrième, en 27 avril 2007, avec l’achat d’une maison avec cession du jardin en septembre 2010 et du bâti en mai 2013. Une cinquième, en juillet 2013 sur trois lots de copropriété revendus en avril 2014. Une sixième, en mars 2013 avec revente partielle en mai 2017.

Toutes ces opérations ont généré des plus-values.

Le gérant de la SCI a reçu un avis de vérification de comptabilité pour les trois années 2013-2015. A l’issue de ce contrôle, l'administration fiscale a considéré que la SCI avait dissimulé une activité de marchand de biens justifiant l’impôt sur les sociétés et la TVA.

Une activité privée ?

Le gérant conteste le caractère « habituel » de ces opérations (art. 35, CGI), il estime qu’il s’est contenté d’une activité patrimoniale privée, soulignant que les associés de la société sont membres de sa famille.

Le tribunal administratif a rejeté le recours.

Saisie, la cour administrative d’appel* rappelle la règle : la requalification en activité commerciale -ce qu’on appelle les « bénéfices commerciaux par assimilation »- est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent 1°) d'une intention spéculative et 2°) présentent un caractère habituel.

1°) « La condition d'habitude s'apprécie en principe en fonction du nombre d'opérations réalisées et de leur fréquence. A cet égard, la circonstance qu'au cours d'une année aucune opération… n'ait été réalisée par une société civile ne suffit pas, à elle seule, à écarter » l’application de l’art. 35. Ainsi, ce n’est pas parce que les achats et les reventes sont effectués de façon opportuniste que ces opérations ne sont pas spéculatives.

2°) « L'absence d'affectation des biens immobiliers acquis à une activité quelconque et la proximité dans le temps des achats et des ventes font apparaitre que ces opérations ont été réalisées dans une intention spéculative ».

En l’occurrence une SCI est faite pour gérer un patrimoine alors que, là, les actifs n’ont pas servi à une occupation familiale ni à une mise en location pour percevoir des loyers.

Donc la société relève de l’IS (art. 206, CGI) mais aussi de la TVA (art. 256), du moins sur le terrain à bâtir et les deux immeubles bâtis de moins de cinq ans.

>>Nos observations : Cette décision semble indiscutable et conforme à la jurisprudence (citée au BOI-BIC-CHAMP-20-10-30). Exactement la même affaire a été jugée par la cour de Toulouse* avec une SCI qui a effectué six achats et dix ventes immobilières entre 2001 et 2016. Il est même précisé que « la circonstance qu'aucune transaction n'a été opérée par la société entre 2011 et 2016, qui s'explique d'ailleurs par la réalisation d'opérations de division parcellaire et par le contexte économique, sept déclarations d'intention d'aliéner ayant été déposées durant la période, n'est pas suffisante pour remettre en cause ce caractère » habituel et spéculatif.

Il est surprenant que les gérants puissent réitérer ces opérations immobilières sans se douter du risque pris ! Le notaire en charge d’acter les transferts prévient-il le client ? A-t-il expliqué que le paravent de la SCI et d’une association en famille n’empêche pas l’administration de requalifier cette soi-disant gestion privée en activité de marchand de biens ? C’est certain, comme le soutient le gérant de la SCI dans l’affaire de Toulouse, que « la requalification en marchand de biens constitue une source d'insécurité juridique ».

Mais ne conviendrait-il pas que les statuts des SCI soient de ce point de vue plus explicites pour mettre en garde les associés ?
Un marchand de biens n’occupe pas les biens qu’il acquiert en vue de les vendre. La question s’était posée alors pour ceux qui changent souvent de résidence principale en profitant de l’exonération d’impôt sur la de plus-value.

Ce petit jeu est-il assimilable à une activité de marchand de biens ? Oui selon le Conseil d’Etat (14 juin 2023, n° 461960) dans une affaire où le contribuable avait réalisé neuf opérations d’achat de terrains et de revente de biens immobiliers en 12 ans. Mais la revendication de l’administration a été censurée car « la seule circonstance qu'un contribuable procède à des acquisitions et cessions successives d'immeubles qu'il affecte à sa résidence principale, sans que l'administration fiscale n'établisse ni qu'il ne les aurait pas occupés à ce titre ni que ces opérations procédaient d'un abus de droit, ne saurait, compte tenu de l'exonération des plus-values de cession de résidence principale prévue par l'article 150-U du code général des impôts, caractériser une activité de marchand de biens ».

*CAA Marseille 5 décembre 2024, n°23MA00336 ; CAA Toulouse, 7 mai 2024, n°22TL22414

 

JDE