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Gestion de Fortune n° 333 - Mars 2022

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L'Edito de Jean-Denis Errard

 Sam et Obélix

 Optimisation ou fraude ? Le débat organisé par la commission des finances au Sénat sur l’affaire des CumEx Files – ces arbitrages de dividendes orchestrés par des banques françaises pour le compte d’institutionnels étrangers de façon à éviter l’imposition – mettait face à face le directeur du contrôle fiscal et le directeur général de la Fédération des banques françaises. Un débat « en chiens de faïence » entre deux énarques, l’un invoquant une fraude flagrante coûtant chaque année des milliards d’euros au budget de l’Etat, et l’autre rétorquant que les prêts de titres au moment du détachement des dividendes ont une justification économique. « J’avais l’impression qu’on ne parlait pas du même sujet », observe Frédéric Iannucci, le haut fonctionnaire des impôts, lors de leurs réunions avant cette audition*.

J’ai trouvé intéressant l’argumentaire déroulé par Etienne Barel, le directeur général délégué de la FBF. Il a commencé par déplorer « la méconnaissance de la réalité de nos métiers » de la part des fonctionnaires des impôts. De rappeler ensuite aux membres de la commission des finances, façon monsieur muscle, que « les banques françaises font partie des principaux contribuables en France, avec un montant d'impôts qui s'élève à 14,1 milliards en 2020 », et que « les banques sont une industrie importante qui participe de la souveraineté de l’Europe ».

Puis, il en est venu à son argument massue sur l’enjeu de la compétitivité des banques françaises. L’uppercut a été direct : « si les banques françaises voyaient l’ensemble de leurs opérations de cessions temporaires et de dérivés contestées lors de vérifications, bien que le caractère non fiscal des opérations soit avéré, elles seraient soumises à une incertitude fiscale marquée, ce qui les excluraient de la compétition mondiale. Donc le modèle économique des banques françaises ne serait plus viable pour ces activités ». « Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? », lance le loup à l’agneau de La Fontaine… Ainsi, selon lui, si le fisc et les parlementaires leur cherchaient des noises, nos banques nationales perdraient de gros clients au bénéfice de leurs rivaux notamment anglo-saxons, les Anglais ne s’embarrassant plus désormais du carcan bruxellois. Le dirigeant de la Fédération des banques cite le gouverneur de la Banque de France : « en sept ans, la part de marché en Europe des six premières banques d’investissement américaines est montée de 44 à 58 % ».

Dit autrement, peut-on exiger des banques d’être vertueuses, si les concurrents anglo-saxons sont autorisés à ne pas l’être ? Ce qui reviendrait à standardiser le niveau de fraude fiscale au niveau mondial. L’oncle Sam en a les moyens, on l’a vu avec Fatca et l’impôt minimal sur les sociétés à 15 %. Chez nous, Obélix n’a de pouvoirs que dans les BD…

*Sur les sept banques ciblées par le fisc, une a accepté les redressements fiscaux, les six autres se retranchant derrière « une dénégation complète », dixit Frédéric Iannucci.