Fiscalité
Copropriété : quel recours contre une entreprise coupable de malfaçons ?
- Mardi 12 novembre 2024 - 09:18
- | Par Jean-Denis Errard
Le syndicat de copropriété, selon l’article 15 de la loi de 1965, peut agir en justice en cas d’atteintes aux parties communes. Mais dans quelle mesure le peut-il lorsque les malfaçons ont eu des répercussions sur des parties privatives ? C’est la question que tranche, pour la première fois, la Cour de cassation (Civ. 3e, 7 novembre 2024, n° 23-14.464). Près de 20 ans après la décision d’AG de lancer les travaux !
Courant 2006, le syndicat des copropriétaires d’un important ensemble immobilier a confié à une entreprise des travaux de ravalement de façade et d'étanchéité de terrasses et balcons, cela sous la maîtrise d'oeuvre d’un architecte. Les travaux ont débuté trois ans après, en septembre 2009. Aucun procès-verbal de réception contradictoire n'a été signé lorsque les travaux ont été achevés, le syndic ayant constaté des déficiences dans l’exécution.
Du fait de ces désordres multiples graves, le syndicat des copropriétaires a saisi le juge des référés qui a ordonné une expertise judiciaire, laquelle a confirmé les graves défaillances de l’entreprise. Il a ensuite assigné l’architecte et son assureur, ainsi que l’entreprise de ravalement et son assureur.
10 ans après, par jugement du 30 juillet 2019, le tribunal judiciaire de Grasse a condamné l’architecte (40% de responsabilité pour son défaut de surveillance du chantier) ) et l’entreprise (60% pour des travaux bâclés) à assumer le coût de réparation des multiples malfaçons (imperméabilisation des terrasses, réfections des enduits de façade pour un total HT avoisinant 1 M€ !) outre le préjudice de jouissance pour certains copropriétaires incommodés du fait d’infiltrations dans leur appartement (plus de 27 000 €).
Le oui/non de la cour d’appel
La cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 janvier 2023, n° 19/14538, a invalidé partiellement la décision. En effet, les actions collectives relevant de la compétence du syndicat sont celles qui visent à la réparation des atteintes aux parties communes, mais aussi celles ayant comme objet les dommages causés aux parties privatives qui trouvent leur origine dans les parties communes, soit que les dommages atteignent indivisiblement les parties communes et les parties privatives, soit que les vices soient généralisés à l'ensemble de l'immeuble, soit enfin qu'un même préjudice affecte la collectivité des copropriétaires. Tel est notamment le cas lorsque les préjudices individuels ont été ressentis de la même manière par l'ensemble des copropriétaires, revêtant ainsi un caractère collectif.
Ainsi, déclare la cour d’appel, « l'action du syndicat des copropriétaires suppose que le préjudice matériel et de jouissance présente un caractère collectif et soit supporté de manière identique par tous les copropriétaires ». Ce qui n’est pas le cas puisque seuls quatre copropriétaires sont affectés par les désordres d'infiltrations rendant impossible l’habitation du logement.
Par conséquent, d’accord, déclare la cour d’appel, pour condamner aux réparations sur les parties communes, mais pas d’accord pour ce qui concerne les conséquences sur les parties privatives car « le syndicat des copropriétaires n'a pas qualité pour agir afin de solliciter l'indemnisation du préjudice matériel et d'un trouble de jouissance subi par les copropriétaires ».
Arrêt de censure
L’affaire a été portée en Cour de cassation.
Deux questions lui sont posées :
1. un syndicat de copropriété a-t-il qualité pour assigner au nom de chaque copropriétaire dès lors que les préjudices individuels subis par ceux-ci trouvaient leur origine dans les parties communes de l'immeuble ?
Oui. Il peut assigner en réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d'un ou plusieurs lots. Ce qui a déjà été jugé : 3e Civ., 23 juin 2004, pourvoi n° 03-10.475, Bull. 2004, III, n° 128.
2. Faut-il que les préjudices individuels soient identiques à tous les copropriétaires ?
Non. Selon la Cour de cassation « il n'est pas nécessaire, en ce cas, que le préjudice, qu'il soit matériel ou immatériel, soit subi de la même manière par l'ensemble des copropriétaires ».
Il revient alors aux juges du fond, sur la base de l’expertise, d’indemniser les copropriétaires concernés selon leur niveau de préjudice.
JDE