Assurance vie
Transférabilité de l’assurance vie : les arguments des pour et des contre
- Mercredi 6 mars 2019 - 11:34
- | Par Gestion de Fortune
A la faveur d’un amendement qui sera présenté début mars 2019 à l’Assemblée nationale, le débat sur la transférabilité de l’assurance vie ressurgit. Près de 500 CGP-CIF ont signé une lettre ouverte en faveur de la transférabilité.
Une « fausse bonne idée », c’est en substance ce que les opposants à la transférabilité des contrats d’assurance vie évoquent alors que ses partisans évoquent la liberté des épargnants. Cette transférabilité de l’assurance vie est dans le viseur depuis quelques mois : après une tentative avortée de deux députés en septembre 2018, c’est le Sénat qui s’est emparé du sujet en votant fin janvier 2019 un amendement en faveur de la transférabilité.
Rappelons que la fiscalité de l’assurance vie favorise les contrats de plus de huit ans qui bénéficient d’abattements sur les gains supérieurs à 4 600 € par an et par personne (9 200 € pour un couple) (avant les gains sont soumis à la flat tax de 30% sur les versements réalisés depuis fin 2017). Si un assuré souhaite changer d’assureur, il doit souscrire un nouveau contrat et perd donc tout le bénéfice lié à cette antériorité fiscale.
Gestion de fortune fait le tour des arguments des partisans et des opposants à cette transférabilité.
POUR
. L'association CLCV plaide pour une transférabilité des contrats après huit ans : « Le mauvais fonctionnement concurrentiel du marché de l’assurance vie (clients captifs des grands réseaux, traitement différencié des clients par les assureurs) plaide en faveur de la transférabilité des contrats après huit ans », indique l’association consumériste dans un communiqué paru le 27 février qui va jusqu’à parler « d'épargnants maltraités ».
C’est une réalité mise en évidence dans certaines études, dont celle de la CLCV, pour certains vieux contrats d’assurance vie fermés à la commercialisation (seuls les assurés pouvant encore faire des versements), souvent des monosupports qui coûtent chers aux compagnies.
Mais c’est loin d’être une généralité : des contrats comme celui de l’Afer (plus de 40 ans) ou par exemple le contrat Coralis Sélection d’Axa Thema (récompensé en 2017 comme contrat de l’année aux Oscars de l’assurance vie) évoluent sans cesse et les anciens souscripteurs sont traités sur un même pied d’égalité que les nouveaux souscripteurs.
. Une lettre ouverte publiée ce 28 février et signée par quelque 500 CGP-CIF évoque un marché de l’assurance-vie qui « sommeille » et une épargne qui « dort ». « Pour être bien accompagné, encore faut-il pouvoir choisir son conseiller et, surtout, pouvoir en changer librement. Or, l’assurance vie étant non transférable, changer d'établissement financier ne peut se faire qu’au prix d’un préjudice fiscal important ». => voir notre interview d'Hugo Bompard, fondateur de Nalo, à l'initiative de cette lettre ouverte.
CONTRE
. La plupart des actuaires, des compagnies d’assurances et la FFA y sont fermement opposés. L'Institut des actuaires a ainsi détaillé ses arguments dans un communiqué publié le 5 mars 2019. Le principe de cette prime fiscale aux « vieux » contrats, à l’origine même de l’assurance vie, permet aux assureurs de réaliser une gestion de l’actif sur le long terme : en investissant sur des actifs plus risqués (actions) ou plus rentables à long terme (infrastructures), en maitrisant dans le temps et en anticipant le volume des rachats (partiels ou totaux). En cas de rachat massif, une compagnie pourraient être obligée de vendre des « vieilles » obligations aux rendements attractifs ou de vendre des actions au plus mauvais moment, etc.
. Le gouvernement, qui s’est prononcé contre cette transférabilité, craint notamment une déstabilisation des compagnies d’assurance vie qui gèrent un encours de 1 700 Md€, dont environ 1 300 Md€ en fonds euros comportant une très forte proportion d’obligations d’Etat.
ENTRE LES DEUX
. La Faider (fédération des associations d'épargnants) a publié le 4 mars 2019 un communiqué contre la transférabilité des contrats en euros entre assureurs différents qui : « pénaliserait les épargnants en réduisant leur rendement déjà faible, et nuirait au financement de l’économie en diminuant encore les placements à long terme et à risque comme les actions ».
En ravanche, l'association plaide pour « une transparence fortement accrue » et la « transférabilité au sein de chaque actif (général ou cantonné - contractuel ou règlementaire) chez chaque assureur ». Elle se dit également « prête à soutenir le principe d'une incitation fiscale des transferts des contrats d’assurance vie en euros vers les Plan d'épargne retraite (PER) ».
A noter que la transférabilité des contrats sans perte d'antériorité fiscale existe déjà :
- dans le cas des transferts dits « Fourgous » pour transformer un monosupport (fonds euros) en multisupport ;
- dans le cadre des contrats d'épargne retraite Perp et des contrats Madelin : des frais sont souvent pratiqués, mais parfois remboursés par le courtier ou l'assureur qui récupère le contrat.
Carole Molé-Genlis
@CaroleGenlis