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Immobilier : le neuf pris dans un cercle vicieux


construction grue neuf promotionLes mises en ventes continuent de s’effondrer en 2023, et la demande aussi, notamment des investisseurs. Les promoteurs craignent que le marché ne patine au redémarrage et demande au gouvernement d’agir sur la demande plutôt que l’offre.

 

 

 

  

« Le secteur de la construction neuve est désormais face à un marché sans offre et sans demande ». Si les mots de Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), sont brutaux, les chiffres de l’année 2023 le sont tout autant.

Chute libre

Les permis de construire ont baissé de 24 %, passant sous la barre des 400 000. La moyenne mensuelle des autorisations est en chute libre depuis 2014 : alors qu’elle se maintenait au-dessus des 19 000 annuelles jusqu’en 2020, elle descend ensuite à 17 000, pour s’affaisser à 15 500 en 2023.

La tendance est encore plus radicale sur les mises en vente : elles oscillent entre 130 000 et 120 000 par an jusqu’en 2020, descendent au niveau des 105 000 après, avant de s’effondrer à 70 000 en 2023 (-33 %). Les réservations suivent cette logique baissière, de 50 000 annuelles jusqu’en 2021 à 35 000 en 2022 et 28 000 en 2023 (-21 %).

A la pénurie de l’offre succède la pénurie de la demande. Si les ventes de logements en bloc ont légèrement progressé sur un an en raison du programme de rachat de CDC Habitat et Action logement (dont l’engagement total porte sur 47 000 logements), ce soutien ne parvient pas à compenser la fuite des particuliers (- 44 % sur un an), et notamment des investisseurs (-51 %). Le décrochage des ventes total est de -41 % sur deux ans, de 162 000 en 2021 à 95 000 en 2023.

Modèle économique

Si l’outil de production a été sauvé par l’arrivée des institutionnels, les promoteurs s’imaginent difficilement en sous-traitants de bailleurs. « Action Logement et CDC préparent un 2e tour, mais ce n’est pas un modèle économique pour nous, rejette Didier Bellier-Ganière, délégué général de FPI France. Les opérations qu’ils ont aidé à démarrer ne trouvent pas de débouchés. »

« Le sujet n’est plus l’offre depuis un an mais la demande, renchérit Pascal Boulanger. On ne se bat plus pour du foncier, aujourd’hui c’est totalement l’inverse. Or, sans demande, nous ne produisons plus. » La crise que traverse le secteur fait craindre pour sa reprise, les promoteurs ne remplaçant plus les démissionnaires ou les départs en retraite. « Former un directeur de programme ou un monteur d'opérations, cela prend du temps », fait remarquer le président de la FPI, qui n’hésite pas à parler de « destruction de la matière crise ».

Pour les promoteurs, c’est pourtant sur l’offre qu’il faut agir plutôt que sur la demande, et de façon structurelle. Ils se plaignent d’avoir à peine digéré les normes environnementales de la RE2020 que de nouvelles arrivent, avec pour résultat des biens déconnectés des besoins du marché. « On fabrique des logements trop grands qui ne se vendent pas, assure Frédéric Boisset, vice-président de la FPI. »

Plutôt que de parler du « malthusianisme des maires » une année supplémentaire, la FPI interpelle cette fois directement le gouvernement, s’adressant à Guillaume Kasbarian, nouveau ministre délégué au Logement, comme au « ministre de la dernière chance ».

Les propositions rejoignent celles déjà soulevées par d’autres professionnels de l’immobilier, comme le prolongement du Pinel, le crédit attaché au bien plutôt qu’à l’acquéreur, ou le prêt in fine qui dissocie le paiement des intérêts du remboursement du capital. A voir si le gouvernement - dont les dernières propositions portent plus sur l’offre - voudra faire du neuf avec du vieux.