Deux époux mariés sans contrat préalable décident de divorcer. Des difficultés sont survenues à l'occasion des opérations de partage, notamment en ce qui concerne un contrat d’épargne-retraite complémentaire, d’un montant de 102 212 €, financé par les deniers communs.
La Cour de cassation vient d’être saisie d’un dossier où l’épouse contestait la décision de la cour d’appel qui estimait qu’une épargne-retraite, disponible au moment de la cessation d’activité, est un bien propre de l'époux souscripteur, sans droit de récompense due à la communauté conjugale, cela du fait de « droits exclusivement attachés à la personne ».
Cette question n’est pas nouvelle, elle avait été soulevée dans une précédente affaire (Cass. civ. 1ère 28 février 2018 n° 17-13.392) où l’époux, affilié au régime par capitalisation des fonctionnaires, soutenait que les cotisations payées constituent des dettes de la communauté puisqu’un contrat « Préfon Retraite » ne peut se dénouer que sous la forme d’une rente viagère versée après sa cessation d’activité professionnelle. Il s’agissait donc, selon lui, d’une dette contractée pour l’entretien du ménage. Là aussi, dans cette nouvelle affaire sur laquelle la Cour de cassation vient de statuer, il était question d’une épargne-retraite « Loi Madelin » des non-salariés et libéraux, similaire à la Préfon des fonctionnaires.
Récompense ou non ?
La Cour de cassation, dans son arrêt du 2 octobre 2024, a beau jeu de rappeler que selon l'article 1437 du code civil « toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, celui-ci en doit récompense ».
Il est évident que cette épargne volontaire est un propre par nature puisqu’elle ne profitera à terme qu’au souscripteur (Cass. civ. 1ère 30 avril 2014 n° 12-21.484) mais rien ne justifie que l’appropriation d’une part des revenus du couple échappe aux règles du partage lors d’un divorce sous prétexte que cette épargne, comme le prétendait le mari dans l’affaire jugée en 2018, « ouvre droit à une rente complémentaire indisponible à la date de la dissolution de la communauté ».
Applicable aux PER
Toute épargne-retraite complémentaire, spécialement le PER individuel, doit en cas de divorce donner lieu à récompense lorsqu’elle a été alimentée par de l’argent commun du couple (à moins de rapporter la preuve de remplois de fonds propres). En clair, on doit faire un partage 50/50 de cette épargne dans la liquidation des intérêts du couple marié sous le régime matrimonial légal.
La cour d’appel semble avoir fait une confusion entre les règles civiles applicables en cas de divorce du souscripteur et celles financières relatives aux droits du souscripteur.
Rappelons que s’agissant d’une assurance-vie détenue par un époux commun en biens il y a une valeur de rachat du contrat qui est disponible à tout moment. De ce fait cette valeur est considérée comme faisant partie de la communauté conformément à l’article 1401 du Code civil. Cette solution applicable aux divorces a été affirmée par la Cour de cassation en 1992, dans son fameux arrêt Praslicka (Cass. civ. 1ère 31 mars 1992, n° 90-16343 ; Cass. civ. 1ère 19 avril 2005, n°02-10985).
Le fait qu’il n’existe pas de droit de rachat en cours d’épargne (ce qui est le cas du PER sauf exceptions, du Madelin ou du Préfon), tout comme le fait que les droits nés de cette épargne soient exclusivement personnels ou encore le fait que l’épargne-retraite débouche uniquement sur une rente, toutes ces modalités importent peu au regard de la récompense due à la communauté en cas de divorce.
Et les plus- ou moins-values ?
Reste la question de savoir si la récompense doit être calculée sur la base des versements effectués durant le mariage ou si elle doit refléter la valeur de l’épargne-retraite au moment du divorce. En clair, doit-on tenir compte des fluctuations de valeur, à la baisse ou à la hausse, intervenues en cours de contrat ? A priori, ce sont « les droits nés du contrat de retraite complémentaire » -selon l’expression de l’arrêt de 2018- qui entrent en compte, donc la valeur au moment du divorce. Le nouvel arrêt évoque aussi « les sommes futures sur lesquelles l'assuré dispose d'un droit ».
Soulignons enfin que l’épargne-retraite financée par l’entreprise, évidemment, ne génère pas de droit à récompense.
(Cass. civ. 1ère, 2 octobre 2024, n°22-20.990)
JDE