Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a indiqué que la condition de négociabilité de ces obligations était satisfaite dès lors qu’elles sont admises sur un marché reconnu.
Le sous-jacent d’un support doit-il faire l’objet d’une liquidité minimum pour être admissible à l’assurance vie ? Aucunement, a répondu la Cour de cassation le 10 octobre (1).
Dans cette affaire, une cliente souscrit, par l’intermédiaire de son courtier Arca patrimoine, à un contrat d’assurance vie auprès de Inora Life, devenu Monument Life Insurance. Elle investit un peu plus de 143 000 euros sur le produit Euro Medium Term Notes (EMTN) Lisseo Dynamic en 2006, avant de procéder à l’arbitrage de l’intégralité des sommes investies vers l’EMTN Alteo Dynamic. Lors du rachat de son contrat en 2016, son capital disponible ne représente plus que 22 000 euros.
L’assurée assigne l’assureur afin d’obtenir réparation de son préjudice résultant de la moins-value subie, soutenant que le produit financier souscrit n’était pas éligible à l’assurance vie. Pour rappel, les EMNT sont des instruments de dette flexibles émis par de grandes entreprises, souvent utilisés comme support de produits structurés, ce qui était le cas ici.
Eligibilité aux UC
La demandeuse se voit allouer la somme de 68 000 euros en première instance, avant que le jugement ne soit infirmé en appel. Le Code des assurances prévoit en effet que sont exclusivement éligibles comme unités de compte (UC) les « obligations, parts de fonds communs de créance et titres participatifs négociés sur marché reconnu ».
La Cour d’appel considère que les produits structurés souscrits sont assimilables à une obligation, admis sur un marché boursier européen réglementé en application de la directive concernant les marchés d’instruments financiers (2), et donc éligible aux UC.
Négociabilité effective
L’assurée se pourvoit en cassation, considérant que l’éligibilité aux UC implique que soit établie la liquidité du produit concerné par un « nombre de transactions suffisant établissant sa négociabilité effective », ce qu’elle conteste en l’espèce.
La Cour de cassation se calque sur l’arrêt d’appel, tranchant que « dès lors qu'elles sont admises sur un marché reconnu, les obligations satisfont à la condition de négociabilité », prévue par le Code des assurances.
Précédents
« Cette décision semble ainsi réduire encore un peu plus les possibilités de remise en cause de l'éligibilité des supports des contrats d'assurance vie et peut en ce sens être rapprochée de l’arrêt du 23 novembre 2017 (3), lequel avait rappelé qu’un EMTN pouvait être qualifié d’obligation sans que cette qualification ne soit subordonnée à la garantie de remboursement du nominal du titre, ainsi que de l'arrêt du 16 juillet 2020 (4), aux termes duquel la Cour de cassation avait considéré que les valeurs mobilières et actifs visés par l'article R.131-1 du Code des assurances remplissent - par essence - la condition de protection suffisante de l'épargne prévue par ce texte », commente Constantin Beytout, avocat chez A&O Shearman.
Le seul angle d’attaque possible, relevé par la Cour d’appel, aurait été de démontrer que l’agrément du marché réglementé sur lequel les obligations étaient admises n’était pas conforme à la directive. Une autre paire de manches.
(1) Civ. 2e, 10/10/2024, n° 22-23.116
(2) Directive 2004/39/CE, 21/04/2004
(3) Civ. 2e, 23 nov. 2017, n° 16-22.620
(4) Civ. 2e, 16 juil. 2020, n° 19-16.922